mercredi 19 novembre 2014

Raisons de la pause

A l'attention des anciens, et des nouveaux qui voudraient comprendre ce qu'est ce blog.


Depuis juin, il n'y a pas de mise à jour sur ce blog. Celui-ci aura connu une courte vie d'une dizaine d'articles sur des thèmes plus ou moins scientifiques, formulés de façon plus ou moins vulgarisée, qui sont listés dans l'onglet "Liste des articles".

Le pari initial, celui de rédiger un article par semaine d'avril à octobre, est largement perdu. La bonne nouvelle, c'est que j'avais parié avec moi-même, donc que je récupère l'argent.

J'ai cessé de publier sur cet espace parce que j'estimais être incapable de produire la qualité que je voulais dans le délai que je m'étais imparti. J'étais dans une de ces blagues "qualité, délai, sommeil, choisis-en deux". J'ai un peu honte d'avoir voulu courir avant de marcher - j'entends par là m'imposer cette fréquence dont je n'avais pas du tout l'habitude et finir par abandonner la queue entre les jambes.

Du coup, qu'est-ce que je vais fiche ?

Réponse : je vais tranquillement préparer des articles. J'ai des brouillons sous le coude, que j'espère finaliser parce que les thèmes m'intéressent. Je ne vais me mettre aucun délai. Je publierai quand je publierai. Et ce sera probablement chouette.


@now@n

dimanche 15 juin 2014

Ceci n'est pas un article.

Ceci est un article qui parle d'un article que je n'ai pas la compétence d'écrire.

Partez pas, tout est logique. Ce qu'il y a, c'est que je vous parlerais bien de phonétique et de ma tentative pour imaginer un appareil vocal artificiel qui, mieux qu'une voix robotisée, aurait pu me permettre de plier mon boulot d'enregistrement à l'époque où j'étais à la bourre sur toutes les séries audio...

Ah, on me souffle à l'oreillette que nous n'avons toujours pas changé d'époque.
(Non, c'est pas vrai, j'écoute de la dubstep pour me donner du courage, le monde sonore a totalement disparu autour de mon ordinateur.)



... Mais le problème, c'est que je n'ai pas pu me documenter correctement sur la phonétique articulatoire. Au mieux pourrais-je vous sortir LE splendide schéma en déclarant "oh là là, y a tout ça qui sert pour parler, comment je pourrais en faire une version artificielle, avec quelle précision, quels matériaux, comment je commande ça ?".

Ledit schéma. Oh là là, y a tout ça qui sert pour parler !!
(crédits à M. Christophe Pythoud, c'est apparemment SON schéma).
Et ça ne nous mènerait nulle part, parce que je n'ai pas de compétences en sciences de l'ingénieur. Tellement pas que je ne suis même pas sûre d'avoir raison quand je soupçonne que c'est la science qui permet de mettre à plat ce dont on a techniquement besoin pour réaliser un projet technique. De même, je suis assez nase en chimie des matériaux et en électronique.

Non, sérieux, comment sortir un muscle artificiel qui ait les propriétés de la langue ? Ça doit pas être facile, c'est super agile une langue ! Je comprends déjà pas comment marche un muscle normal, alors celui-là ! Je n'arrive même pas à poser une hypothèse un peu hardie. Ou alors une sorte de squelette-racine métallique qui serait recouvert d'un genre de mousse souple, laquelle viendrait s'écraser sur le palais au besoin... Mouais, et pour un petit coup de langue derrière les dents, on repassera.

Regardez ça. NON MAIS REGARDEZ ÇA. AUCUN CRÉATEUR N'EXISTE.
UN CRÉATEUR AURAIT TROUVÉ UN SYSTÈME PLUS SIMPLE §§§
(Image dégottée ici, crédits à la personne qui l'a fait, bravo.)

Les lèvres non plus n'ont pas l'air faciles à reproduire. Encore un muscle, et un muscle pas très typique. Je veux dire, il est ouvert sur un trou, avec deux replis de peau ou de je ne sais pas quoi qui contrôlent la sortie de l'air dans le cadre de la parole... Je... C'est... C'est trop fort pour moi. Regardez cette page. Toute cette page qui ne parle que de la complexité des lèvres.

Et les cordes vocales ? Les foutues cordes vocales, ces choses qui font horriblement, horriblement peur ? Je veux dire, regardez-les. Regardez-les. Elles sont obscènes. On jurerait qu'on est en train de regarder autre chose. Quelque chose qui a à voir avec une autre paire de lèvres, si vous voyez ce que je veux dire.

En mode plus ou moins ouvertes. Celles figure A sont vraisemblablement en train de vibrer. Les C en mode "respiration". Celles en B, je ne sais pas. Respiration un peu bloquée ? De toute façon, la simple vue de la suite de la trachée sur la figure C me provoque un BSOD intellectuel. SÉRIEUSEMENT, AUCUN CRÉATEUR N'EXISTE, SINON CES IMMONDICES SERAIENT AUSSI JOLIES QUE L'ACTE QU'ELLES PERMETTENT DE PRODUIRE.
(Crédits.)
Bon, que nous reste-t-il dans la catégorie anatomie indispensable et dérangeante ? D'après ce que j'ai compris, c'est le larynx qui contient les cordes vocales, donc check. Oh, l'épiglotte. L'épiglotte. Je ne sais pas à quel point elle est utile dans la phonation, apparemment elle sert surtout à empêcher les aliments de se perdre dans la trachée (les poumons digèrent très mal, mais ils se rattrapent en permettant la respiration alors on le leur pardonne). Par contre, je sais à quel point elle est DÉGUEULASSE §§§

NON MAIS HAAAAAAA HAAAAAAAA HAAAAAAAA §§§
(Crédits.)

Et les fosses nasales ? Ouais, ça peut être utile les fosses nasales, ne serait que pour prononcer les N et les voyelles nasales. Imaginez un monde sans fosses nasales. C'est plutôt "euh mode", déjà. Et il est impossible d'y dire "non".

Comme vous avez compris que cet article est voué à exprimer mon horreur devant la chair humaine, voici une nouvelle illustration.

HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
(Crédits.)
Ouais, j'ai mis une radio. C'est parce que les endoscopies étaient vraiment trop immondes !



Après, si on arrivait à obtenir ce morceau de robot lié à une soufflerie qui reproduirait je ne sais toujours pas comment les mouvements des différents composants de l'appareil vocal humain, on serait tranquille pour la suite des opérations : il y a toute une science qui étudie la façon dont les morceaux de viande dans notre bouche et notre gorge s'organisent pour modifier le flux d'air.

Ben, la phonétique articulatoire, justement. Je vais lâchement recopier Wikipédia pour ce qui va suivre.

Déjà, une bonne nouvelle : la maîtresse d'école avait raison de séparer voyelles et consonnes, parce qu'elles sont différentes aussi dans la phonétique ! Joie ! Allégresse !

Par contre, on appelle ça des contoïdes et des vocoïdes. En quelque sorte, la consonne donne le contour de la syllabe où la voyelle vient ajouter la vocalisation. Marrant, non ?

Si on prend le français, on y dénombre dix-huit contoïdes qui ne se recoupent pas exactement avec les vingt lettres qui nous servent de consonnes, trois semi-contoïdes qui sont donc des semi-voyelles, et seize vocoïdes qui ne se recoupent pas exactement avec les six lettres qui nous servent de voyelles.

Ouais. Je sais. Mais c'est pour la bonne cause : je vous rappelle qu'à la base, je bosse sur un dispositif robotique qui pourra imiter correctement une voix humaine, afin de me remplacer dans mes disparitions d'actrice.

Tout ce petit monde est classé en fonction de la façon dont il est articulé, ce qui donne lieu à des qualification magnifiques, forcément magnifiques. Par exemple, b est dite consonne occlusive bilabiale voisée. Occlusive : pour être prononcée, elle doit interrompre le passage de l'air. Bilabiale : son articulation s'appuie sur les deux lèvres. Voisée : les cordes vocales travaillent pendant qu'elle est prononcée.
Autre exemple ?
Consonne occlusive vélaire sourde : le passage de l'air est interrompu, elle s'articule sur le voile du palais, les cordes vocales ne travaillent pas pendant ce temps. Je suis je suis je suis ? Le son k, bravo.
Allez, une autre. Consonne spirante labio-palatale voisée : le passage de l'air n'est pas interrompu mais subit tout de même une turbulence ; elle est articulée sur la partie dure du palais tout en arrondissant les lèvres ; les cordes vocales travaillent pendant qu'elle est prononcée.
Non ? Un autre indice : les wallons ont du mal avec. Eh oui, c'est la semi-voyelle qu'on trouve dans huit, huile, huître, huissier... La fameuse.

Tout ça pour dire : la phonétique articulatoire a fort bien étudié le concept, donc cette partie-là au moins du problème est déjà réglée.



En conclusion, je n'ai pas répondu du tout à la question qui sous-tend l'article, c'est à dire "comment fabriquer une sorte de robot qui reproduirait l'appareil vocal humain, gageant que le résultat sera plus rigolo et peut-être même plus crédible qu'un synthétiseur de voix ?"

Heureusement, j'ai bien pensé à préciser au début qu'il ne s'agissait pas d'un article mais d'un non-article : je suis sauve.

Bien à vous,

@now@n



Nous sommes le 18/05/2016 et je viens de dégotter cette vidéo que je m'empresse d'accoler à mon article. Regardez ça comme c'est merveilleux. (Réhébergée parce que Facebook est une lèpre faite web mais tous les crédits sont intégrés à l'image).


dimanche 8 juin 2014

Trois petits torchons.

Aujourd'hui, billet d'humeur.



J'ai eu envie de répondre à trois questions qui, je crois, intéressent plus ou moins tout le monde, et en plus me tiennent à cœur. Mais en mode Café du Commerce, hein, c'est galère de faire des recherches.



J'ai entendu dire que des nanorobots tueurs étaient mal disposés à l'égard des humains, je vais mourir nanodéchiqueté ?

La nanotechnologie est en plein essor. De nombreux domaines se sont emparés des propriétés fascinantes dont regorge l'infiniment petit. Des assemblages d'atomes, très bien ordonnés ou empilés à la sauvette, se trouvent déjà partout dans notre quotidien. Mais le plus développé de tous, sur le sujet, c'est encore le vocabulaire.
Enfin, développé : c'est plein de mots avec "nano" ajouté devant.

* Nanomètre : celui-ci n'est pas inventé, je triche avec mon propre glossaire. Pour vous donner une idée, un nanomètre est un millionième de millimètre, un milliardième de mètre. C'est petit. L'ordre de grandeur de la taille d'un atome, c'est le dizième de milliardième de mètre. On est vraiment dans le petit.

* Nanoobjet : un objet supposément fonctionnel de moins de cent nanomètres de long. La limite supérieure est légale, en réalité un objet de cent un nanomètres de long n'a pas soudain d'autres propriétés. En laboratoire, on fabrique des choses très rigolotes comme des molécules en forme d'anneaux imbriquées dans d'autres molécules en forme d'anneaux, entraînées dans un mouvement rotatif ; des molécules en forme d'anneaux voyageant d'un bout à l'autre de molécules en forme de tiges ; toutes sortes de choses amusantes qui font plus ou moins vite apparaître le mot "moteur moléculaire" dans la discussion. Le problème, c'est qu'on n'a pas encore trouvé le moyen de transférer l'énergie de ce "moteur" hors du système : les molécules ont beau tourner, elles ne font rien tourner d'autre.

* Nanomédicament : 1] un médicament normal, mais en plus petit. Il est censé être plus efficace sous cette forme rétrécie, ce qui fait des économies pour tout le monde. 2] des nanoparticules dangereuses, mais introduites exprès dans l'organisme : pour tuer un cancer, par exemple.

* Nanoparticule : 1] nom générique pour ce qui est nano et particulaire. 2] particules de taille nanométriques obtenues de façon accidentelles, par exemple en utilisant un laser puissant sur des particules de taille micrométrique, comme le fait, je ne sais pas, une imprimante 3D. Il faudra que je parle des imprimantes 3D dans un article un jour.

* Nanomatériau : un matériau pensé à l'échelle nanométrique, et pas bêtement usiné de manière macrométrique comme un verre, un béton ou un acier. L'exemple phare, c'est le nanotube de carbone.

* Nanotube : comme un tube, mais en plus petit.

* Nanodiamant : nanomatériau qui vend du rêve.

* Nanoargent : nanoparticule qui essaye de vendre du rêve.

* Nanorobot : nanoobjet suffisamment avancé pour être utile et programmable. C'est pas gagné.

* Nanorobot tueur : nanorobot qui aurait trouvé une raison de s'en prendre à l'humanité ou aurait été programmé par erreur dans ce sens. C'est pas gagné non plus.

Pourquoi diable parle-t-on déjà de nanorobots tueurs alors que les simples nanoparticules sont sources de cancer ? C'est pourtant un sujet tendance, le cancer. C'est tellement tendance que les industriels ont fait machine arrière sur la communication autour des nanos : s'il y en a, vous aurez tendance à ne pas le savoir.
Tenez, vous saviez que le dioxyde de titane des crèmes solaires, qui laissait des traces blanches déplaisantes sur la peau, est maintenant sous forme nanométrique, qui ne fait pas de traces blanches ?
Personnellement je me pose la question de la protection qu'il offre à présent, parce qu'il me semblait bien que sa couleur aidait à protéger des rayons du soleil, m'enfin.
La question se pose aussi de savoir pourquoi tant de nano-argent est présent dans les articles de fitness, comme antibactérien supposé.
Sportifs, sportives, j'ose espérer qu'il s'agit d'un cas où le marketing a essayé de vous créer un besoin inexistant ; mais si vous ne supportez pas l'odeur de votre propre sueur, pourquoi vous faites-vous suer ?



J'ai entendu dire que les centrales nucléaires étaient dangereuses, je vais mourir radioactif ?

Les centrales nucléaires, dangereuses ? Qui a bien pu vous dire une chose pareille ? Sûrement un anti-patriote de la pire espèce.
La fission nucléaire de l'uranium, pratiquée dans les centrales nucléaires de par le monde, est une technologie désespérante à plus d'un titre. Dans sa conception, déjà.

On libère les forces phénoménales de l'atome pour...

Connaisseur qui passerait par ici, je tiens à te dire que la simplification de ce schéma n'est pas destinée à tromper le profane. Franchement, c'est tellement plus compliqué ?

Chauffer de l'eau. Créer de la putain de vapeur pour faire tourner une turbine à la con. Non, ce n'est pas "élégant parce que tellement simple, tihihi". Un moteur essence ou diesel est un monument de technologie à côté d'un truc pareil.

Les centrales nucléaires ont plusieurs façons de mal tourner. Les deux principales sont l'emballement de la réaction de fission (l'uranium libère toute son énergie nucléaire d'un coup et pas petit à petit comme ça nous arrange) et le rejet accidentel de matériel radioactif. Astuce : lorsque la réaction de fission s'emballe, c'est très très dur de ne pas rejeter du matériel radioactif ; par contre le rejet de matériel radioactif n'implique pas du tout l'emballement de la réaction de fission.
C'est Tchernobyl contre Fukushima : dans le premier, on a un emballement du réacteur qui conduit à la destruction de la centrale et au rejet d'un nuage radioactif (celui qui n'est pas passé en France), dans le second, c'est un tremblement de terre qui pète le circuit primaire et permet à l'eau radioactive de partir vivre sa vie. Avec un éventuel emballement du réacteur plus tard, parce que sans son circuit primaire, il chauffe, le petit.

*rires préenregistrés*

Même en fonctionnement normal, les centrales nucléaires créent des déchets radioactifs. Deux catégories : le matériel utilisé pour travailler dans la centrale, et les espèces chimiques créées par l'uranium à l'issue de sa réaction de fission.
Le premier cas est, d'après l'un de mes professeurs, contournable. Mais son explication est un peu perplexifiante, alors je me la mets derrière l'oreille.
Le second cas est plus amusant. Des espèces chimiques radioactives ? Mais, dites donc, on ne considérait pas l'uranium comme une matière première de par sa radioactivité ? Est-ce qu'on ne peut pas prendre les déchets, les remettre dans une centrale, et en avant Guingamp ?
Oui, on peut. Mais c'est compliqué, alors on ne le fait pas. Ah bon, si c'est compliqué alors ! On ne peut quand même pas demander à des ingénieurs de réfléchir et à des industriels de se faire des sous à l'aide d'une matière première dont un collègue cherche à se débarrasser. Après tout, les réserves d'uranium peuvent encore couvrir les besoins énergétiques pendant... Quatre-vingt ans ! C'est vachement long, quatre-vingt ans ! On sera tous morts, dans quatre-vingt ans ! Pourquoi s'ennuyer ?

"Non mais c'est vrai, on est tellement bête et critique, parfois. Note que je suis bien contente d'être assise."

La dernière chose qui m'ennuie est un argument classique de nucléosatisfait. "Il n'y a aucune raison de s'inquiéter de la radioactivité, la radioactivité est un phénomène naturel qui s'observe dans la nature naturellement". Le cyanure aussi. Oh et puis tu sais quoi ? Je suis totalement convaincue : je vais construire une usine à côté de chez toi qui émettra de façon aléatoire un nuage mortel de cyanure d'hydrogène sur ta maison. Tu n'as rien à y redire, pas vrai ?
La radioactivité n'est pas la seule chose qui soit capable de casser votre double-brin d'ADN. Mais casser votre double-brin d'ADN n'est de toute façon jamais une bonne idée. Votre organisme possède des ressources pour réparer les dégâts, toutefois ces réparateurs se trompent. Résultat, pour vous, des risques accrus de cancer, et, si ce sont vos gamètes qui sont touchées, des ennuis imprévisibles pour vos descendants.

Le plus bel héritage.

Ce qui n’est pas grave, à la limite. Tant que cette technologie à la con est maîtrisée.

(Elle ne l'est pas.)



J'ai entendu dire que les organismes génétiquement modifiés étaient mauvais pour la santé, je vais mourir empoisonné ?

Le premier danger pointé, concernant les OGM, n'est pas pour la santé. On parle plutôt de celui de l'industrialisation du vivant.
Je m'explique : les semenciers (producteurs de graines) se considèrent dans l'obligation morale de ne pas propager des espèces dont on ignore la dangerosité. Par conséquent, les graines vendues sont stériles, elles ne donnent qu'une génération de plantes, et les graines issues de ces plantes ne peuvent en aucun cas redonner une plante. Les cultivateurs doivent donc racheter des semences au semencier tous les ans. C'est pratique, une obligation morale qui vous fait gagner de l'argent, pas vrai ? Une résistance de ce qu'on pourrait appeler la communauté paysanne vient de ce que traditionnellement, c'est le cultivateur lui-même qui s'occupe de mettre de côté une partie de sa récolte. Ca fait partie de l'esprit : j'épargne, j'obtiens, je répartis. Si le champ n'est qu'une transition entre le semencier et le grossiste en céréales, le cultivateur n'est plus un producteur, c'est une espèce de transformateur. Philosophiquement, ça change pas mal de choses !
L'existence du semencier enlève aussi des mains du cultivateur sa tâche traditionnelle de sélection des plantes qui produisent le plus/résistent le mieux aux maladies et ravageurs/écartent naturellement les plantes concurrentes. Au lieu de mettre au point la goulaillue, on achète la tomato-184@. C'est un peu triste. Et c'est toléré parce qu'on considère la mondialisation comme trop rapide pour aller avec la supposée lenteur de cette tâche traditionnelle : "on ne peut pas se permettre de risquer une pénurie, il faut standardiser les productions".

"Les clients disent qu'on peut se garder nos semences et qu'ils vont planter des variétés anciennes, chef !"
"QUOI ? Mais qu'est-ce que c'est que cette bande de communistes ? Ils nous faut une loi pour empêcher les gens de planter ce qu'ils veulent, nom de nom."

Revenons sur les plantes concurrentes qui gâchent la belle harmonie d'un champ : appelons-les des mauvaises herbes. Il était une fois un semencier célèbre. Il possédait un herbicide magique qui tuait toute mauvaise herbe. Problème, ce produit tuait aussi la plante que l'on souhaitait produire. Le semencier inventa donc une semence qui résistait à son herbicide magique, et tout fut parfait. Sauf que, oups ! Les mauvaises herbes avaient la capacité d'échanger du matériel génétique avec les autres plantes : certaines furent en position de récupérer à leur profit le gène de la résistance à l'herbicide magique. Et comme l'herbicide magique était utilisé partout dans le royaume, les mauvaises herbes résistantes prendraient la place des mauvaises herbes mortes !
Heureusement, un chevalier... euh, un magicien... une fée... un roi... Ah non, personne ne faisait rien. Notez qu'il n'y avait rien à faire. Du coup, le semencier se sentit un peu bête d'avoir mis autant d'argent en recherche et développement pour faire match nul contre les mauvaises herbes.
Que fera le semencier ? Arrêtera-t-il de vendre la semence protégée, voire l'herbicide magique, cherchant des méthodes alternatives pour se débarrasser des mauvaises herbes ? Ou bien mettra-t-il encore plus d'argent en recherche et développement pour trouver un herbicide encore plus magique pour tuer les mauvaises herbes résistantes à l'herbicide magique ? Oh, devinez.

Un double sens se cache dans cette image, ho ho ho ?

Mais tout cela, vous vous en fichez sans doute : que les cultivateurs passent sous la coupe des semenciers ou que le vivant se modifie, ça ne vous fait ni chaud ni froid. Nom d'une pipe, est-ce que les OGM donnent le cancer, oui ou non ?
Beaucoup, beaucoup de choses donnent le cancer. La viande trop cuite est l'exemple le plus connu. Et pourtant, la plupart des gens mangent sans s'en soucier, parce que nos aliments sont devenus traditionnels à une époque où le mot "cancérogène" n'existait pas.
Qu'une modification génétique sur une plante jusque là non-cancérogène la rende cancérogène ne serait pas étonnant du tout. Une étude a été faite sur le sujet, bourrant des rats de laboratoire de maïs transgénique pour voir s'ils exploseraient. Elle a été critiquée dans tous les sens, mais une chose est certaine : toute contestable que soit sa méthodologie, ses résultats n'ont rien d'invraisemblable.



La morale de cet article, c'est que le monde est un endroit très dangereux.

La science ? Ben, oui, et les plantes vénéneuses, et les prédateurs, et la foudre, et la noyade... On ne peut pas réclamer que nos avancées servent à nous préserver des dangers menaçant notre espèce, noooon ! On les remplace par d'autres, voilà tout. Il n'y a pas de raison de s'indigner contre le pari général "dix contre un que ça ne tue pas plus de 20% de la population", c'est là le sens du progrès.

Toute science n'est vouée qu'à servir de support à la technologie, la philosophie peut être soigneusement rangée dans le placard à vieilleries, peu importent les conditions de vie dans les bidonvilles tant que j'ai contre mon coeur cet objet parallélépipédique contenant l'équivalent d'un million de bibliothèques et d'un milliard de pigeons voyageurs, on est allé sur la Lune avec mille fois plus archaïque mais on n'y retournera pas parce que le réseau 4G y est pourri ; pire encore ceux qui se plaignent utilisent la technologie prétendument ennemie.

Bienvenue sur Terre, mes chers, en l'an de grâce deux mille quatorze.

La semaine prochaine, je ferai plus gai.

@now@n

lundi 2 juin 2014

La vie, la vie, la vie, la vie...

...Qui coule dans nos veines.


J'ai donné mon sang pour la première fois à 18 ans et un jour. Pour une raison qui m'échappe aujourd'hui, je voyais dans cet acte un signe de maturité. Je ne me suis jamais posé la question des dangers pour ma propre santé, de l'hygiène appliquée dans les camions de l'Etablissement Français du Sang...
Rien à taper ! Je donnais parce que je le pouvais et que je le voulais. Pas spécialement me débarrasser d'un demi-litre de liquide, mais contribuer à la plus petite échelle à sauver des individus dont je ne saurais jamais rien sinon qu'ils avaient perdu trop de leur sang.
J'ai été ravie de m'avérer du groupe O, dit "donneur universel" (bien que la vérité soit plus complexe). Par contre, je suis de rhésus positif et cela m'ennuie parce que je ne peux pas donner aux rhésus négatifs. M'enfin, on ne choisit pas son type sanguin.

Vous aurez constaté que je ne suis pas la bonne personne pour parler de mon expérience de donneuse. Je ne suis jamais passée par un stade d'appréhension de la démarche, de réflexion, de pesée du pour et du contre : j'y suis allée franco. Difficile de me placer du point de vue d'une personne qui aurait peur de donner et qu'il me faudrait convaincre !
Autrement dit, puisque je suis un tel bisounours, il ne m'a pas paru adéquat de raconter mon expérience de donneuse. Je suis convaincue, pas convaincante. Alors je vous propose de participer à un don du sang dont vous êtes le héros. Si vous êtes d'accord, allez en 1.




1.

ACTE I

LA SECRETAIRE DE L'EFS

Vous avez décidé sur un coup de tête de faire un don du sang, chose que vous n'aviez jamais envisagée jusque là. Vous avez repéré l'hôpital le plus proche de votre domicile et, comme il accueillait bien une équipe de l'Etablissement Français du Sang, vous y avez couru. Vous ignorez beaucoup sur la procédure qui va suivre, mais tant pis, vous demanderez en cours de route. Il paraît que c'est utile de donner son sang, alors vous verrez bien.

Vous voilà devant la secrétaire de l'EFS, qui vous salue.
« Bonjour ! Vous avez rendez-vous ? »
« Non, c'est ma première fois ici. »
« Ah ! Et vous n'avez jamais donné dans la région ? On va vous ouvrir un dossier. Alors, votre nom ? »

Si vous donnez votre nom, allez en 19.
Si un avis de recherche vous cible et que vous aviez juste décidé de donner votre sang avant d'entrer dans la Légion Etrangère, et que vous n'avez donc pas très envie de donner votre nom, allez en 8.




2.

ACTE II

LE MEDECIN DE L'EFS

Ce bureau est exigu et ne contient que le strict nécessaire : un bureau, deux chaises, un ordinateur, et une armoire qui, supposez-vous, contient des dossiers.

Vous vous trouvez devant le médecin de l'EFS, qui vous salue.
« Bonjour ! Faites voir le questionnaire ? Hum hum, hum hum, hum hum, hum hum... Rien de particulier à ce que je vois. Bon, vous vous sentez en forme ? Vous avez mangé avant de venir ? »

Si vous avez l'habitude des prises de sang et saviez qu'il fallait venir à jeûn, allez en 18.
Si vous vous êtes dit qu'avant de se vider un demi-litre de liquide du corps il valait mieux se remplir, allez en 15.




3.

ACTE III

L'INFIRMIER DE L’EFS

Vous vous retrouvez face à face avec l'infirmier de l'EFS, qui vous salue.
« Bonjour ! Tout est réglé pour vous ? »
« Oui oui » répond le médecin à votre place, « tu lui fais la numération s'il te plaît ? »
« Très bien, asseyez-vous. »

Vous contemplez les cinq fauteuils laids, semblables à ceux que vous détestiez déjà chez les dentistes, présents dans la pièce. Deux d'entre eux sont occupés par d'autres donneurs. L'une, un casque sur les oreilles, remue le menton en rythme avec la mélopée étouffée ; l'autre a le regard tourné vers la télévision accrochée sur le mur du fond, dont le son est coupé mais dont l'audiodescription a été mise en marche. Vous constatez la présence de tubes en matière plastique, emplis d'une substance rouge sombre, reliant leur bras droit à des machines blanches grossières dont ne voudrait pas la pire production de SF.

Si ça ne vous inspire rien qui vaille, allez en 12.
Si vous n'êtes pas du genre à vous formaliser pour si peu, alors vous vous asseyez sans rien dire et allez en 16.




4.

ACTE IV

LE DON

« Tout va bien ? » demande l'infirmier.
« Oui oui » répondez-vous.
La douleur de l'aiguille fut une épreuve courte : vous ne vous en souciez déjà plus. En fait, vous ne sentez pas grand-chose. Vous imaginiez-vous que vous sentiriez votre fluide le plus vital passer à travers la machine et se déposer dans la poche qui pendouille au-dessus de votre tête ? Peut-être. Toutefois, vous connaissez assez d'anatomie pour savoir que vous n'avez pas de nerfs dans le sang, et qu'il n'y a donc aucune raison pour que votre cerveau reçoive une information sensorielle quelconque sur le devenir de celui que vous offrez.
C'est une question philosophique intéressante, d'ailleurs : jusqu'à quel point les éléments qui forment votre corps physique vous appartiennent-ils ? Ce liquide rouge, eau, albumine, fer rouillé, sucre, autres babioles, quelle portion de lui pouvez-vous revendiquer comme vôtre et uniquement vôtre ?
Vous adoreriez y réfléchir encore, mais ils repassent la série culte de votre enfance à la télé et vous voulez comparer la différence entre l'audiodescription et votre souvenir du dialogue.
L'épisode est fini. Vous détournez vos yeux de la publicité. Entre Donneuse qui vibre sur la vibe et Donneur qui bave sur les ondes, vous avez l'impression que... mais oui, c'est bien ça : vous vous ennuyez copieusement.
Ah, si seulement vous aviez pris un bouquin.

On dirait que vous n'avez plus aucune prise sur les événements. C'est triste, pour un don du sang dont vous êtes le héros.

Soudain, le médecin passe faire coucou, allez en 17.




5.

ACTE V

L'APRES-DON

Vous mangez des gâteaux. Vous buvez du soda. Vous mangez des gâteaux. Vous buvez du soda. Vous mangez des gâteaux. Vous buvez du soda. Vous mangez des gâteaux. Vous buvez du soda. Vous mangez des gâteaux. Vous buvez du soda. Vous mangez des gâteaux. Vous buvez du soda. Vous mangez des gâteaux. Vous buvez du soda. Vous mangez des gâteaux. Vous buvez du soda. Vous mangez des gâteaux. Vous buvez du soda. Vous mangez des gâteaux.
Vous repartez chez vous après avoir juré-craché à la secrétaire et à l'infirmier de l'EFS que vous n'avez vraiment plus ni faim ni soif.

Bravo, camarade ! Vous avez donné votre sang ! Enfin, ce qui serait admirable aussi, ce serait que vous alliez faire la démarche réelle, que celle-ci aboutisse ou pas. Tout le monde ne vit pas à proximité d'un hôpital, certes, mais des collectes ambulantes sont réalisées jusque dans les pires campagnes - j'ai connu le Lot-et-Garonne, ça n'est ni la Creuse ni la Mayenne mais c'est déjà pas mal - car les patients ont un besoin constant de produits sanguins. Et ces patients pourraient être vous. Tant que vous ne vous savez pas concerné par une contre-indication évidente au don, il est dommage de priver le monde de votre générosité.
Notez que c'est peut-être le côté "don" qui vous rebute plus que le côté "sang". Dans ce cas, même si vous ne serez pas payé comme cela se fait dans les pays anglo-saxons, sachez que vous serez nourri copieusement et pourrez embarquer des gâteaux sans prendre la moindre remarque du personnel de l'EFS. Bon, n'essayez pas de faire ça avec la vaisselle, les gens le prennent beaucoup moins bien.
Pensez aussi, si vous souhaitez aller plus loin, à vous renseigner sur le don de plaquettes, de plasma, d'autres saletés sanguines, de moelle osseuse, d'organes. Faites-vous une opinion sur la question si vous n'en avez pas : cela fait partie des choses très simples que tout le monde peut faire pour la société.




6.

GAME OVER

L'EFS est clair sur le sujet : vous pouvez renoncer à votre don ou l'interrompre à tout moment, sans honte ni reproches du personnel médical. Vous n'avez pas donné votre sang, tant pis ! C'était déjà vraiment civique de votre part que d'entreprendre cette démarche. Un conseil : allez-y réellement. Parlez au médecin (beaucoup plus bavard que dans ce jeu). Vous verrez bien ce que vous en penserez à ce moment-là.

Vous pouvez retourner en 1 pour retenter votre chance.




7.

« Je refuse de collaborer avec une institution homophobe ! » vous écriez-vous en jetant le stylo à l'effigie de Globi le Globule en travers de la figure de la secrétaire de l'EFS. Elle en semble perturbée.
« Mais restez, on s'en fiche, je vous dis », pleure-t-elle presque.
Si vous ne pouvez lui pardonner cet affront, allez en 6.
Si vous soupirez et choisissez de remplir le reste du papier en silence, allez en 14.




8.

« Mon nom est Personne. »
« Et votre prénom ? »
« Vraiment Personne. »
« D'accord, votre fiche est entrée ! »
« Vous ne me demandez pas ma carte d'identité ? »
« Oh, c'est bon, je vois bien que vous avez plus de dix-huit ans. »
La secrétaire de l'EFS vous tend un dépliant au format A4, deux feuilles, quatre pages. Il est à remplir pour montrer au médecin qui vous recevra dans quelques instants. Le dépliant vous pose plein de questions indiscrètes sur vos voyages à l'étranger, vos antécédents médicaux, et... attendez...
Si vous faites un scandale parce que le papier demande si vous avez déjà eu des rapports sexuels entre hommes, allez en 22.
Si vous demandez plus d'explications sur les questions, allez en 10.
Si vous remplissez tranquillement, allez en 14.




9.

Vous étiez dans un tel état de décontraction que vous avez laissé votre esprit quitter le monde pour parcourir les chemins détournés de votre inconscient. Les petits bruits de la salle, votre dernière vision de son carrelage des années soixante-dix, se sont intégrés à une songerie baroque. Des autruches courent par la fenêtre ; vous voulez les rejoindre et la machine ne vous gêne plus - en fait, vous n'êtes plus relié à elle puisque vous êtes une antilope - vous rejoignez la banquise et vous portez un manteau en fourrure dont les poils se tordent dans tous les sens - vous les tordez par la pensée - une femme avec la plus belle moustache que vous avez jamais vue chante dans le cabaret et on vous offre une bouteille de champagne avec les compliments de la maison - de l'autre côté, le maître d'école écrit des phrases très profondes sur son tableau noir mais vous avez du mal à les déchiffrer - quelqu'un vous demande si vous allez bien - des boules de billard s'entrechoquent dans le ciel - vous vous sentez secoué - quelqu'un vous demande si vous allez bien - vos yeux sont fermés ?
Vous êtes à nouveau parmi nous et bougonnez. L'infirmier s'inquiétait et vous croyait en train de tourner de l'œil ! Un évanouissement n'est pas impossible, vous savez !
Vous le saurez pour la prochaine, même détendu, mieux vaut ne pas dormir au don du sang.

Histoire de rassurer l'infirmier, vous engagez une conversation impromptue avec lui, allez en 11.




10. 

« Ah mais c'est très simple ! Parfois les gens ignorent qu'ils sont porteurs d'une maladie ou qu'ils ont couru un risque particulier. Alors, au lieu de vous demander si vous avez fait une petite malaria récemment, on vous demande si vous avez voyagé hors du continent européen. Au lieu de vous demander si vous n'auriez pas attrapé la syphillis par le plus grand des hasards, on s'inquiète du turn-over de vos camarades de lit. »

Si vous prenez cette nouvelle occasion de demander le rapport avec certains rapports, allez en 22.
Si vous remplissez tranquillement le dépliant, allez en 14.




11.

« J'ai pu voir que vous souffriez avec vos gants. »
« Oui, en effet, ils ne sont pas exactement à ma taille. Le S est trop petit et le M me fait des plis au bout des doigts. »
« C'est fort peu pratique. »
« A qui le dites-vous. »
« C'est bien à vous que je le dis. »
« En effet. »
« Exactement. »
DING, ferait la machine si elle émettait des bruits de microonde, vous libérant de cette conversation qui se voulait légère et qui s'est avérée pesante.
L'infirmier vous débranche. Vous regarder disparaître les poches contenant votre - enfin, le sang qui circulait peu de temps auparavant dans votre corps.
Vous soupçonnez que, même si vous le demandiez gentiment, on ne vous laisserait pas les ramener à la maison. Impossible de faire marche arrière, vous l'avez fait. Eh, bravo !

Vous partez en salle de repos. Allez en 5.




12.

« A-Attendez ! On peut encore en discuter ? »
« Vous voulez arrêter ? C'est tout à fait possible. »
« Non, non, je voudrais juste savoir comment ça se passe maintenant. »
« Oh, c'est votre premier don ! Ah mais oui, c'est écrit sur la feuille. C'est bien simple : je vais commencer par vous prélever un échantillon de sang que je vais passer en numération. Cette petite machine là-bas va compter vos globules rouges, de façon à vérifier qu'il y en a suffisamment pour permettre le don. Parfois les équipes de l'EFS se servent d'un autre test où une seule goutte de sang est utilisée : un détecteur observe la façon dont elle laisse passer la lumière et en déduit si elle est "assez rouge" pour refléter un nombre normal d'hématies, mais c'est moins précis. Si vous vous trouvez au-dessus de la limite que nous nous autorisons, nous pourrons enchaîner sur le don. Si vous vous trouvez en anémie, nous nous arrêterons là, et le médecin vous conseillera peut-être quelque chose selon la gravité de cette anémie. Bras gauche ou bras droit ? »

Si l'infirmier vous a fait peur avec toutes ces histoires de sang et que vous voulez tout arrêter, allez en 6.
Si vous êtes toujours d'attaque, allez en 16.




13.

« Soit ! » vous écriez-vous dans un élan de grandiloquence. « Je ne vous hais point. La bureaucratie est plus lente que la connaissance humaine, las, las, c'est notre lot à tous. »

Le médecin va vous recevoir. Vous remplissez très très vite le reste du papier. Allez en 2.




14.

La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher ! La la la, la la la, j'adore les cases à cocher !

Vous avez fini.

Le médecin n'est pas encore prêt.

Vous mourez d'ennui vingt fois.

Le médecin peut vous recevoir. Allez en 2.




15.

Le médecin prend votre tension, pour voir, puis vous informe que vous ne pourrez effectuer aujourd'hui, au mieux, qu'un don de sang total, parce que normalement les dons de plasma, de plaquettes et d'autres saletés ne se font que sur rendez-vous histoire d'assurer un bon roulement des machines. Vous voudriez bien entrer dans les détails, mais vous avez peur de l'ennuyer et je suis à la bourre pour cet article.

L'entretien médical est terminé, le médecin vous accompagne en salle de don. Allez en 3.




16.

Vous vous asseyez sur le plus proche des fauteuils libres, qui vous accueille comme le ferait un vieil ami. Néanmoins, pas question de relâcher votre vigilance : ce truc a peut-être été un jour de mèche avec un dentiste. L'infirmier vous prélève la petite quantité dont il a besoin dans un premier temps, puis vous conseille de passer en salle de repos le temps que la machine numératrice travaille.

La salle de repos est le véritable Paradis des Gâteaux.
Vous en mangez.
Non, ce jeu dont vous êtes le héros ne vous laisse pas le choix. Croyez-moi, vous ne l'avez pas.

Vous repérez un magazine spécialisé dans le don du sang.
Sérieusement ? Un magazine rien que pour parler de don du sang, depuis... allez savoir combien de numéros ? Eh ben. Vous le feuilletez et notez qu'il existe un musée en ligne du don du sang, dont vous noteriez bien l'adresse pour le consulter plus tard mais comme je suis sympa je vous ai directement mis un lien hypertexte.

L'infirmier revient vous voir et vous tend le morceau de papier recraché par la machine. Chic : vous n'êtes pas anémique. Vous repassez dans l'autre salle. Donneuse secoue toujours ses cheveux sur sa musique, Donneur tâche toujours de suivre une série américaine quelconque. Vous repassez sur le même fauteuil que tout à l'heure. Dans une série de gestes qui traduit une longue habitude, l'infirmier installe l'équipement autour du bras que vous lui avez désigné, prépare son matériel, stérilise ses mains, vous garrote à mi-chemin de l'épaule et du coude, vous demande poliment de serrer votre poing histoire de faire ressortir la jolie veine qu'il s'en va transpercer... La lumière des néons explose en reflets chatoyant sur l'aiguille...

Si c'est plus que vous ne pouvez en supporter, vous interrompez tout en urgence, allez en 6.
Sinon, c'est parti. Allez en 4.




17.

Le médecin s'arrête à l'encadrement de la porte, offre un grand sourire à l'infirmier et demande à la cantonade :
« Tout va bien ici ? »
L'infirmier hoche la tête et confirme encore verbalement. Le médecin affiche une moue satisfaite.
« Bon, c'est la fin de mon service. J'ai bien bossé aujourd'hui ! »
L'infirmier ne dit rien, sourit et hoche la tête. Puis il part terminer le don de Donneuse, vérifie comment ça se passe du côté de Donneur, répond à une question de la secrétaire qui a débarqué à l'improviste, revient de votre côté...

Si vous aviez décidé de faire la sieste pour lutter contre votre ennui, allez en 9.
Si vous en profitez pour engager une conversation complètement futile avec lui, allez en 11.




18.

Les yeux du médecin s’embuent d'un traumatisme plus ancien que le temps.
« Pourquoi ? Pourquoi tant de gens s'imaginent-ils la même chose ? »
Vous apprenez qu'avant de donner son sang, il vaut mieux se blinder en énergie afin de ne pas donner au corps de raison supplémentaire de s'évanouir. Vous vous coucherez moins bête.

Si vous renoncez à votre don pour ne pas mettre votre santé en danger, allez en 6.
Si vous demandez poliment au médecin de vous dépanner d'un morceau de sucre, allez en 21.




19.

Et c'est parti ! La secrétaire de l'EFS vous tend un dépliant au format A4, deux feuilles, quatre pages. Il est à remplir pour montrer au médecin qui vous recevra dans quelques instants. Le dépliant vous pose plein de questions indiscrètes sur vos voyages à l'étranger, vos antécédents médicaux, et... attendez...

Si vous faites un scandale parce que le papier demande si vous avez déjà eu des rapports sexuels entre hommes, allez en 22.
Si vous demandez plus d'explications sur les questions, allez en 10.
Si vous remplissez tranquillement, allez en 14.




20.

« Mais j'en ai rien à taper de pourquoi l'homosexualité masculine apparaît dans ce dépliant ! Est-ce que vous vous rendez compte que cette question ne s'adresse qu'aux hommes ? Encore un drame du phallocentrisme ! Je n'ai pas envie de répondre à un questionnaire qui n'a pas été pensé pour mon sexe. »

« Oui m'enfin page trois il y a des questions sur vos antécédents de grossesse. Alors bon. Jamais entendu un type crier qu'il se sentait insulté de devoir passer des questions ne concernant que les femmes. »

Vous ne savez plus pourquoi vous avez jugé bon de protester à ce sujet. Le médecin va vous recevoir. Vous remplissez très très vite le reste du papier. Allez en 2.




21.

« Du sucre ? »
Le médecin sourit d'un air sauvage, se lève de son bureau et arrache d'un geste vif la porte de son armoire. De petits objets entourés de plastique en jaillissent, glissant les uns sur les autres en une avalanche miniature et froufrouteuse.
« A l'EFS, on n'a pas besoin... de sucre. »
Vos quatre ans vous reviennent.
Ce lieu est le Paradis des Gâteaux.

Vous cédez à la tentation irrésistible de ces milliers de sachets individuels : allez en 15.




22.

« Euh, oui » reconnaît la secrétaire en baissant les yeux, « c'est un peu daté mais toujours en vigueur. Ça date de l'époque de la découverte du SIDA, où on a longtemps cru qu'il ne sévissait que parmi la population... Enfin voilà quoi. C'est vieux. Pardon. »

Si vous vous montrez magnanime, allez en 13.
Si vous vous scandalisez, allez en 7.
Si vous êtes scandalisée, mais parce que ce dépliant est phallocentré, allez en 20.



Je n'ai pas idée pour conclure cet article.
Alors voici un lien vers le site de l'EFS.

lundi 26 mai 2014

La table périodique des éléments est un vaste sujet.

C'est pourquoi nous l'aborderons en plusieurs fois de manière ultra-superficielle.


Commençons par le commencement.
J'ai découvert récemment un jeu en ligne très rigolo qui propose de tester sa connaissance des éléments du tableau périodique.
Je ne connaissais jusque là que les trois premières lignes du tableau (et les deux lignes de métaux de transitions du dessous)*, grâce à mon professeur de chimie organométallique qui l'exigeait pour l'un de nos cours ; je ne voyais pas comment il pouvait être humainement possible d'apprendre la table périodique, 118 éléments, par cœur.
Ce jeu accélère vraiment l'apprentissage. Je commence à bien gérer sur les noms et les symboles, par contre je suis toujours une quiche en numéros atomiques.
Il m'a permis de m'intéresser au bas du tableau, vous savez : tous les trucs un peu radioactifs qui traînent. Et, galérant sur l'orthographe du Roentgenium ou du Darmstadtium, j'ai maudit tous ceux qui se sont sentis obligés de faire des spéciales dédicaces en découvrant un élément.


Spécial dédikass a ma patri

Un certain nombre d'éléments portent des noms de pays, ou d'anciens noms de pays. Par numéro atomique croissant, il s'agit de la liste suivante :

- Scandium Sc (21)
- Gallium Ga (31)
- Germanium Ge (32)
- Ruthénium Ru (44)
- Indium In (49) - non je déconne, vous ne croyiez tout de même pas qu'on allait mettre un pays de l'hémisphère sud dans le tableau périodique ? Indium vient du mot "indicum", une nuance de bleu en latin.
- Thulium Tm (69)
- Polonium Po (84)
- Francium Fr (87)
- Californium Cf (98) (la Californie est un État des États-Unis, logiquement ça en fait un pays)
- Hassium Hs (108) (Hesse est un land parmi les landër allemands. ... Ça compte, non ?)

Les premiers utilisant des noms très datés, explicitons-les tous :

- Scandium = Scandinavie. Il n'y a qu'en Scandinavie qu'on trouve du Scandium. Ça a presque du sens.
- Gallium = apparemment, ce serait un double jeu de mots sur le fait qu'il a été découvert par M. Lecoq, en France.
- Germanie = ach, che ne fous fais bas und tessin !
- Ruthénium = Ruthénia est le nom latin de la Russie.
- Thulium = de Thule, le nom grec de la Scandinavie.
- Polonium = la Pologne.
- Francium = et eeencore la France.
- Californium = les éléments les plus lourds ayant été découverts le plus tard, ils ont laissé le temps aux États-Unis de rattraper leur retard technologique sur l'Europe. Le Laboratoire national Lawrence-Berkeley s'est fait très plaisir à lui-même en nommant des éléments.
- Hassium = et eeeencore l'Allemagne.

Sacré carte du monde, pas vrai ? Enfin, tout ça pour dire que lorsqu'on nomme un élément, c'est pour faire une immortelle spéciale dédicace :
- à soi-même via son pays
- au seul endroit du monde où on trouve l'élément - valable pour la Scandinavie.
Pourquoi tant de patriotisme ? Parce que le découvreur d'un élément chimique gagne le droit de le nommer.
Il gagne le droit de définir pour toujours la désignation de l'élément chimique qu'il a découvert.
Tout va bien.


Spécial dédikass a la téci

Attendez, c'est pas fini, on a des villes aussi. Et des gratinées.

Je vais devoir vous préparer un peu psychologiquement pour la première.
Concevez un petit village de la côte est suédoise, pas très loin de Stockholm. On l'a déjà dit, la Scandinavie semble propice aux découvertes chimiques surprenantes ; ne faisant pas défaut au pays, Ytterby renferme un minéral sympa et inconnus partout ailleurs dans le monde, que s'appelorio yttria. Jusqu'ici tout va bien.
Dans ce minéral ont été découverts, non pas un, non pas deux, mais QUATRE nouveaux éléments chimiques totalement inconnus jusque là. Comment les a-t-on appelés ? On a pris le nom Ytterby et on a fait n'importe quoi avec.
D'où les magnifiques éléments chimiques :
- Yttrium Y (39)
- Terbium Tb (65)
- Erbium Er (68)
- Ytterbium Yb (70).
On dirait une blague.

Les autres villes font moins rire. Certaines rappellent le lieu où fut trouvé le minéral dont a été sorti l'élément pur :
- Strontium Sr (38), du village de Strontian (Écosse).
- Holmium Ho (67), de la ville de Stockholm (Suède).

Quatre éléments artificiels se payent le luxe de porter le nom de la ville où si situe le laboratoire qui les a créés :
- Berkélium Bk (97), de la ville de Berkeley (Californie. Ça vous évoque un souvenir ? Oui, nous sommes en train de parler du Laboratoire national Lawrence-Berkeley. Le monde de la chimie est petit).
- Dubnium Db (105), de la ville de Doubna (Russie). Il s'agit du lieu d'implantation de l'Institut Unifié de Recherches Nucléaires, laboratoire de chimie nucléaire fondé par de vils communistes.
 - Darmstadtium Ds (110), de la ville de Darmstadt (Allemagne). Il s'agit du lieu d'implantation du Centre de recherche sur les ions lourds, laboratoire de chimie nucléaire là encore.
 - Livermorium Lv (116), de la ville de Livermore (Californie). Laboratoire national Lawrence-Livermore. Encore eux !

Les deux derniers sont des dédicaces patriotes :
- Lutécium Lu (71). De l'ancien nom de la ville de Paris. (Je suis prête à parier que le type a tenté de caser un "Parisium" et qu'il lui a été répondu que le Protactinium (91), de symbole Pa, et le Praséodyme (59), de symbole Pr, existant déjà, on ne pouvait pas laisser passer une chose pareille.)
 - Hafnium Hf (72). De l'ancien nom de la ville de Copenhague. Ceeertes, l'élément y a été repéré aux rayons X parmi un bloc de Zirconium, ce qui en fait un nom moyennement patriote.


Spécial dédikass a mon crew

Enfin, les découvreurs de substances chimiques ont rendu hommage à de grands noms de la chimie, leur offrant l'immortalité à travers la dénomination d'éléments chimiques (qui parfois se désintègrent en deux secondes, merci du cadeau, tu parles d'une longévité).


 - Gadolinium Gd (64), du nom d'un chimiste finlandais qui a œuvré entre le dix-huitième et le dix-neuvième siècle.
 - Curium Cm (96), du nom d'une chimiste française d'origine polonaise qui a beaucoup étudié la radioactivité. Et de son mari. Mais je préfère croire que ceux qui ont nommé l'élément n'avaient que son nom en tête.
 - Einsteinium Es (99), du nom d'un physicien allemand qui perdit sa nationalité pour la troquer contre une helvète et une états-unienne ; il a bricolé ce qu'on appelle relativité.
 - Mendélévium Md (101), du nom d'un chimiste russe qui a, notamment, travaillé sur la table périodique. Méta.
 - Nobélium No (102), du nom d'un chimiste et fabricant d'armes suédois.
 - Lawrencium Lr (103), du nom d'un physicien américain.
 - Rutherfordium Rf (104), du nom d'un physicien et chimiste britannique qui avait tout compris à la radioactivité.
 - Seaborgium Sg (106), du nom d'un physicien atomiste américain qui découvrit plein d'éléments. ... Wikipédia signale qu'il pouvait écrire son adresse avec des éléments chimiques, information d'une pertinence, euuh, intéressante ? (Aucun rapport avec une mauvaise orthographe de "Cyborg").
 - Bohrium Bh (107), du nom d'un physicien danois qui a fait plein de choses pour les atomes. Enfin, notre compréhension des atomes.
 - Meitnérium Mt (109), du nom d'une physicienne autrichienne qui fit des choses sympas en radioactivité. Et, contrairement à l'autre, il n'y a aucun mari pour faire douter de la personne qui a réellement donné son nom à l'élément.
 - Roentgenium Rg (111), du nom d'un physicien allemand qui découvrit les rayons X.
- Flérovium Fl (114), du nom du fondateur de l'équipe de l'Institut Unifié de Recherches Nucléaires qui a créé l'élément. (Quand bien même il est mort, j'appelle ça jouer les lèche-botte.)

On notera que les gens ne donnent pas leur propre nom aux éléments qu'ils découvrent, ce qui est déjà ça. Le patriotisme oui, l'égocentrisme ne déconnons pas.


Va falloir conclure

 Cet innocent jeu de mémoire présenté plus haut m'a conduite à aller chercher le sens de noms improbables d'éléments de la table périodique que personne ou presque ne connaît ; j'en ai profité pour partager le bazar avec vous.

 Avouons-le franchement, c'est encore un article de remplissage. Et que serait un article de remplissage sans une illustration hors-sujet ?

C'est une traduction à l'arrachée d'une image apparemment créée par cet homme (béni soit-il pour la rigolade)


 Sur ce, je vous souhaite une bonne semaine.


Note :

* Comme toutes les phrases mnémotechniques, la mienne n'avait aucun sens :

Kévin (potassium), qu'(calcium) est-ce que (scandium) tu (titane, si prononcé "ti") veux (vanadium) ? Crever (chrome) mon (manganèse) frère (fer) ? Comme (cobalt) Nick (nickel) cul (cuivre)-zen (zinc) ? Ga(gallium)ge(germanium) à ce (arsenic sélénium) brillant (brome) crétin (krypton) !

Je n'en avais pas d'autre longue phrase pour les lignes suivantes, je fonctionnais par colonnes :

Ski sur lac (Sc-Y-La-Ac)
Petite girafe => Tit ziraf (Ti-Zr-Hf)
Va, noble tantouse (V-Nb-Ta)
Crève, maudit wapiti ! (Cr-Mo-W)
Féru d'os (Fe-Ru-Os)
Courir (Co-Rh-Ir)
(J'ai honte) Nique les paladins platine ! (Ni-Pd-Pt)
Pas de phrase, mais un indice : le podium olympique (Cu-Ag-Au)
Pas de phrase, mais un repère : des poisons (Zn-Cd-Hg)

On a tous eu nos trucs bizarres.

samedi 24 mai 2014

Fait amusant : avant de déraper, ce blog devait surtout parler d'écriture.

Il est temps de se rattraper !


 Bonjour à vous, mes très chers ! Si vous lisez ceci, c'est que je suis encore vivante après mon week-end passé à Geekopolis. Je m'y suis probablement amusée. Je n'en sais encore rien, puisque j'écris cet article à l'avance pour ne pas être à la bourre ce dimanche (nota : nous sommes le vendredi d'après, je suis donc très en retard).

 Une tête est pleine d'étincelles miniatures. Elles y sont, un temps, prisonnières, sans le moindre espoir d'en sortir. Pourquoi le feraient-elles, de toute façon ? Elles forment les instructions étranges de la motricité et de l'apprentissage ; les messagers subtils de l'univers vers le monde intérieur ; les pensées, quoi, merde, ça va la poésie.

 Puis l'on apprend à parler. Et on ne s'étonne pas assez de la magie de cette coutume ; si les animaux possèdent leur éventail de cris d'alerte, transmettant à leurs congénères, par le son, ce qu'eux ont vu de dangereux, ils n'ont pas la richesse lexicale et grammaticale du fatras que constituent nos langues. La parole est le premier sortilège dont dispose l'humain pour pépier ses courants électriques à son prochain.

 Puis l'on apprend à écrire. Et là, ça devient grave. La pensée sur ce support furtif, durable, gagne le pouvoir de propagation d'un virus. Les Sumériens nous en laissé en témoignage quelques chants, dont pas mal vantent la beauté de l'entrejambe de la déesse Inanna. Ils vivaient il y a des milliers d'années. Les concevez-vous ? Ou, comme moi, vous écrasent-elles ? (Les années, pas les jambes de la déesse Inanna.)

Allégorie.


 Enfin bon, c'est un blog de sciences "dures", ici, hein, ho, eh. Ce dont je voulais vous parler, c'est du côté pas évident de l'acte même d'écrire, d'un point de vue technique. Il faut un support et un moyen de le modifier de telle façon à ce qu'un autre puisse lire. Passons-les en vue, voulez-vous ?


La pierre

 On utilisera ici "pierre" dans son sens le plus large, pour désigner à la fois les pierres naturelle (granites, calcaires, marbres) et artificielle (briques, bétons).

 Au premier abord, il s'agit d'une substance chimique solide. Sa composition importe peu pour la suite des événements, puisque les deux modes de marquage qui s'offrent à nous ne reposent pas sur de la chimie :
 - au burin, nous pouvons arracher des morceaux au support, modifiant sa forme physique pour y inscrire des caractères ou des dessins.
 - au pinceau, nous pouvons appliquer une couche d'un produit chimique qui adhérera suffisament au support pour se laisser le temps d'évaporer son solvant.
 Dernière possibilité, nous pouvons utiliser une craie pour marquer la pierre. C'est quasi de l'inceste.

 Le mur naturel passe, merci Lascaux, pour l'un des premiers moyens d'expression employés. Cependant il perdit de son aura lorsque, révolution agricole aidant, les habitants du croissant fertile cherchèrent un moyen simple de garder le compte de leurs troupeaux et de noter leurs transactions. Au lieu de rechercher un moyen de transporter des murs de pierre sur de longues distances, ils changèrent complètement de technologie. (Quelques passéistes en furent sûrement peinés.)
 Le mur artificiel, croit-on, demeura un espace d'expression tout au long des âges pour en rester un aujourd'hui encore.

Cet événement marqua le début de l'opération "Grottes propres en vallée de Dordogne".


L'argile

 Au commencement était le caillou. Puis le caillou se prit une bonne quantité d'eau et de dioxyde de carbone sur la tête, ce qui contribua à son érosion. La poussière résultante se mêla à l'eau et forma une boue.  Éventuellement, la terre dévora la boue et la refit caillou, pour mieux recommencer le cycle.

 L'argile est principalement issue de minéraux appelés silicates d'aluminium. Elle a également d'autres ancêtres dans son arbre généalogique, qui lui ajoutent des minéraux comme le calcaire et même quelques métaux. Pour faire court, c'est compliqué : ses différents atomes se répartissent en couches à la géométrie à la fois parfaite et bancale comme savent faire... Ben, les assemblages de minéraux. Entre différentes couches moléculaires d'argile, il y a un espace qui peut recevoir des espèces chimiques hydratées, et qui, selon le type d'argile, peut ne demander que ça !

 Je brûle de vous donner plus de détails, mais il faudrait que j'entre dans des considérations de cristallo et d'atomistique, bref, que je vous fasse un beau billet sur les cristaux et sur le tableau périodique. Désolée. Ce billet est un peu improvisé pour pallier à mon week-end chargé, aussi.

 L'eau donne à la poudre d'argile, dans les bonnes proportions, une texture ferme mais malléable. Ce qui permet la méthode de marquage reine de l'époque cunéiforme : le planter de bâton. L'argile a aussi la propriété de pouvoir être remodelé au besoin, ou au contraire être laissé à sécher ou cuit pour conserver ses données indéfiniment. (Une petite révolution par rapport au mur de pierre.) Toutefois, la matière elle-même contraint l'écriture utilisable : impossible d'y rédiger quoi que ce soit en bon français. Elle devait donc naturellement laisser la place à d'autre technologies.

"Non." "T'as quoi alors ?" "Des clous." "Hein ?" "C'est écrit là. Clou clou clou clou clou clou."


Le papyrus

 Les égyptiens eurent l'idée brillante d'aplatir la tige du papyrus pour en tirer des lanières, qu'ils tressaient entre elles jusqu'à obtenir une surface à même de recevoir l'écriture. Mais la plante est vernaculaire, alors ils n'ont aucun mérite. On peut toutefois noter que c'est une technologie plus avancée que "ramasser de la terre et écrire dedans".

 Le mode d'inscription est l'application d'encre sur le support et toute marque est définitive, ce qui en fait l'exact contraire de l'argile et un précurseur du papier. Mais, la plante étant vernaculaire, la technologie a été un peu dépassée.

 (Je lis au détour d'une page de Wikipédia que la technologie du papyrus a été remplacée par celle du parchemin dans certaines régions parce que les égyptiens ont cessé les importations. Comme quoi, quand on fait de la rétention !)

Au moins, j'aurai essayé.


La cire

 La tradition la veut recueillie et mâchée par les abeilles pour une qualité optimale.

 La cire (les cires en vérité) est composée essentiellement de chaînes carbonées diverses avec des longueurs dans les 30-40 carbones. Ses propriétés la rendent comparable à l'argile, mais sans le défaut de sécher et sans la qualité de pouvoir conserver ses données à long terme via cuisson. Et, en réalité, elles n'ont rien à voir : la cire est cireuse parce que ses molécules ne se tiennent les unes aux autres que par de faibles liaisons hydrophobes, alors que l'argile est argileuse parce que son hydrophilie a attiré de l'eau dans les profondeurs de sa structure moléculaire et a filé quelques propriétés de fluide à sa structure minérale.

 Ce qui fait qu'à la chaleur, l'argile durcit (l'eau s'évapore) tandis que la cire fond (un peu d'énergie et les molécules échappent aux liaisons faibles de leurs voisines).

 On sait que la cire fut utilisée à Rome à peu près de la même manière que les tableaux d'ardoise ou à feutre de nos enfants : comme support effaçable pour l'apprentissage (c'est-y pas mignon). J'ai lu dans le Satiricon le narrateur recevoir une lettre sur tablette de cire et, pingre ou prudent je ne sais plus, l'effacer pour pouvoir répondre sur la même tablette (c'est-y pas mignon).

Je suis tellement à la bourre que je recycle des morceaux de mes schémas inutiles. 


La peau

 Elle aurait sans doute dû intervenir un peu avant, dans l'ordre chronologique. Soit elle est vivante, soit elle est morte. Sous-catégorie de Schrödinger, tout ça.

 Pensons au vélin, peau de veau mort-né, recherchée parce que très, très fine ; ou au parchemin, peau de chèvre ou de mouton. Dans les deux cas, le mode d'inscription est le dépôt d'encre.

 Plus intéressante, la peau humaine encore sur l'humain. On assiste ainsi à un mode d'inscription particulièrement barbare : l'introduction de pigment sous les couches supérieures de la peau, à peu près à la frontière entre l'épiderme et le derme. Niveau santé, c'est, euh, moyen.

Double standard !



Le papier

Extraire des arbres la fibre cellulosique - qui participe, avec la lignine, au maintien de sa cohésion - : check.
L'entremêler de façon empirique de façon à obtenir un aplat régulier, prêt à boire l'encre qu'on voudrait y déposer ou à accrocher le carbone qui s'y frotterait : check.
Varier son épaisseur, sa taille, sa qualité, de façon à répondre à toutes les spécifications un peu tordues que les utilisateurs voudraient voir satisfaites - selon le type d'encre, de crayon, la pérennité désirée - : check.
Mettre cette technologie fabuleuse au service de...

...


Et le reste ?

Je me suis permis de faire sauter les autres modes qui soit ne sont pas revenus à ma mémoire, soit m'ont paru un peu trop cons à signaler. Le bois, par exemple. On peut écrire sur du bois, mais il n'est ni pérenne comme la pierre, ni pratique comme le papier, alors à quoi bon.
Je ne parlerai pas de microfilm ou de silicium parce que c'est un peu trop technique pour moi et cet article a cinq jours de retard.
Mais c'est fou quand même, qu'en cherchant bien on trouve toujours le moyen de mettre le sens de la vue au service du déchiffrage de symboles artificiels chargés de propager de l'information. Ou c'est moi qui m'excite pour rien ? Bah.

Bien à vous et à bientôt pour un nouvel article,

@now@n.